Les petites injustices compromettent toute la justice
Aujourd’hui: Date en Français
Image d'illustration générée par l'IA.

Se défendre seul : mythe ou réalité ?

L’image du justiciable intrépide, se tenant fièrement devant le tribunal, brandissant son code civil comme un chevalier brandissant son épée, a quelque chose de romanesque. Pourtant, dans la réalité crue des salles d'audience du Québec, la situation laisse planer un doute, très raisonnable, sur l’application et le respect d’un droit fondamental, celui d’une justice accessible à tous.
6 min de lecture

L’image du justiciable intrépide, se tenant fièrement devant le tribunal, brandissant son code civil comme un chevalier brandissant son épée, a quelque chose de romanesque. Pourtant, dans la réalité crue des salles d’audience du Québec, la situation laisse planer un doute, très raisonnable, sur l’application et le respect d’un droit fondamental, celui d’une justice accessible à tous.

Un droit théorique, une réalité complexe

L’idée de se défendre seul relève-t-elle du courage ou de la pure inconscience ? La loi permet-elle vraiment à un citoyen d’assurer seul sa défense, ou est-ce un mirage juridique qui ne sert qu’à masquer l’inaccessibilité réelle de la justice ?

Au Québec, la loi est claire : nul n’est obligé d’avoir un avocat pour se représenter devant un tribunal (article 23 du Code de procédure civile, RLRQ c C-25.01). En théorie, chacun peut assurer seul sa propre défense, que ce soit en matière civile, pénale ou même criminelle (avec quelques exceptions pour les infractions graves). Toutefois, cette liberté apparente masque un labyrinthe de procédures, de règles et de subtilités juridiques qui transforment l’expérience en une épreuve redoutable pour le non-initié.

Les juges, ces anges gardiens (ou pas)

En principe, un juge a le devoir d’aider une personne non représentée à comprendre le processus judiciaire. L’article 12 du Code de procédure civile prévoit que le tribunal doit assurer une justice accessible et impartiale, ce qui inclut une assistance minimale aux justiciables non représentés. Il peut expliquer certains concepts, guider le justiciable dans la forme et l’ordre des procédures. Toutefois, ce rôle d’assistance varie considérablement d’un magistrat à l’autre. Certains juges, pressés par le temps ou irrités par l’impréparation du justiciable, coupent court aux explications, interrompent, voire humilient. Il arrive même que certains haussent la voix, oubliant leur devoir de sérénité et de réserve (articles 128 et 129 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ c T-16).

Quand je me suis présenté devant le juge au tribunal du Beauharnois, je pensais que j’allais enfin pouvoir m’exprimer et démontrer la mauvaise foi de la partie adverse et de son avocate, mais le juge m’a reçu avec des hurlements, de la condescendance et sans me laisser placer deux mots consécutifs. Il a mis fin à l’audience, avec un geste méprisant, lorsque j’ai tenté de lui présenter des documents falsifiés et d’autres trompeurs, versés au dossier. Il m’a fait signe de sortir du revers de la main, en criant : « pas aujourd’hui ! », en regardant ailleurs. En face, l’avocate prenait la parole, à sa convenance, sans être interrompue. J’avais l’impression d’être face à des mafieux, sans foi ni loi.

M.I (Affaire en cours, l’identité du témoin ne peut être révélée).

L’avocat : allié ou ennemi ?

Le Code de déontologie des avocats impose des obligations d’éthique et de collaboration. En théorie, un avocat ne doit pas abuser de la vulnérabilité d’une personne non représentée (articles 109 et 110 du Code de déontologie des avocats, RLRQ c B-1, r 3.1). En pratique, certains profitent des failles du justiciable seul pour plaider en leur faveur, exploitant chaque erreur de procédure. Certains refuseraient de communique avec une partie non représentée et exerceraient « une pression insoutenable pour la pousser à se faire représenter ». Mais face à ce dernier constat, je me suis demandé : quel serait l’intérêt d’un avocat de préférer transiger avec un collègue, plutôt qu’avec un justiciable non représenté ?

Un témoin, que nous avons rencontré lors d’une enquête menée par notre équipe de reporters d’investigation, nous a confié que l’avocate de la partie adverse « a même eu l’audace de verser, sciemment, de faux documents et d’autre pièces clairement trompeuses. Même si j’ai attiré son attention sur ces faits, formellement, à au moins 11 reprises, elle n’a rien voulu savoir. Même les demandes formelles adressées au tribunal, à ce sujet, sont restées lettres mortes. Quand j’ai obtenu une ordonnance judiciaire l’obligeant à me transmettre des pièces lisibles, elle a eu recours à un stratagème de voyous, pour faire croire à la Cour qu’elle s’est conformée à sa demande. » C’est à ce moment-là qu’interviendrait le collègue, qui serait moins regardant sur les écarts de conduite de ses pairs, et « plus disposé à régler le contentieux, en évitant d’entacher les robes de ses acolytes. »

Les faits allégués sont certes difficiles à croire, mais notre témoin nous a soumis des enregistrements audios et vidéos, ne laissant planer aucun doute sur la véracité de ses graves accusations. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que les manœuvres de cette avocate ne s’arrêtent pas là, « elle pousse le ridicule jusqu’à dissuader un huissier, mandaté pour faire exécuter l’ordonnance émise par le juge, d’aller à son bureau ».

J’avoue que j’ai eu de la difficulté à croire ce récit, qui semblait invraisemblable. C’était tellement gros, que je voulais vraiment croire que j’avais affaire à un complotiste, illuminé, ou à un schizophrène, mais devant le nombre incalculable de preuves amassées, j’ai dû me remettre, profondément, en question. Il y a vraiment un problème sérieux à traiter.

L’huissier avait accepté le mandat, mais après avoir communiqué avec l’avocate, il m’a rappelé le 7 janvier pour m’informer qu’il venait tout juste de consulter le message contenant le mandat octroyé, et qu’il ne pouvait pas procéder sans l’ordonnance du juge. En réalité, le message avait été consulté et validé le 3 janvier, comme l’indique l’accusé de lecture émis par ma messagerie. J’ai immédiatement envoyé un courriel au greffier du tribunal, afin d’avoir l’ordonnance en question, et j’ai été agréablement surpris de la recevoir, dès le lendemain matin, et avant 9h00. Je l’ai transmise sans attendre à l’huissier, pensant que ça allait enclencher la procédure, mais il a tout simplement disparu, et n’a plus voulu communiquer avec moi, sans aucune explication. Les courriels sont encore là, et tous les enregistrements de nos échanges téléphoniques aussi.

M.I (Affaire en cours, l’identité du témoin ne peut être révélée à ce stade).

La confrérie avant le client : loyauté détournée

Plus troublant encore, certains avocats favoriseraient parfois leur relation avec leurs pairs au détriment même de leurs propres clients. Cette « courtoisie professionnelle » mal placée se manifesterait par des arrangements discrets, des retards stratégiques de procédure ou des conseils délibérément timorés pour ne pas froisser un collègue qu’ils retrouveront dans d’autres dossiers.

Ce phénomène, que certains appellent le « syndrome des petits milieux juridiques », serait présent dans les districts judiciaires de taille modeste, où la proximité entre avocats créerait parfois des conflits d’intérêts implicites : réticence à s’opposer vigoureusement, arrangements informels et tendance à privilégier les relations entre collègues.

Une crise de confiance en la justice ?

Le système judiciaire repose sur l’idée que chacun a le droit d’être entendu et d’obtenir une justice impartiale. Or, si l’accès à un avocat devient une condition tacite à une représentation efficace, alors la justice devient un luxe, réservé à des priviligiés, ayant les moyens de s’aventurer dans les méandres d’un système sur basé sur la forme, au détriment du fond.

Si ces pratiques venaient à se confirmer, le préjudice pour les justiciables non représentés, ne se limite pas à une simple défaite judiciaire : il sape la crédibilité même du système et laisse les citoyens les plus vulnérables démunis face à un monstre bureaucratique qui ne pardonne aucune erreur. Ce genre de situations, si elles venaient à se banaliser, pourraient inciter des justiciables désespérés à vouloir se faire justice par eux-mêmes. C’est ce qu’on appelle communément « la loi de la jungle », où c’est le plus fort qui impose son diktat, au plus faible, et ça serait une catastrophe pour notre démocratie.

En somme, se défendre seul au tribunal est un droit. Mais est-ce un droit réellement accessible, ou une chimère destinée à donner l’illusion d’une justice équitable ? La question mérite d’être posée, tant pour ceux qui s’aventurent seuls dans l’arène judiciaire que pour la légitimité même du système.

Avertissement : Notre enquête n’est pas encore terminée, nous abordons donc ces allégations au conditionnel, en attendant de recueillir les différentes versions des faits allégués par nos témoins, tout en respectant le secret des instructions et des affaires en cours.

Commenter

Your email address will not be published.

Don't Miss

X-Lock : Une Intelligence Artificielle au Service des Enquêtes Judiciaires

Dans un paysage médiatique en constante évolution, notre journal innove en confiant